“Qui est Elizabeth Liau ? – Parlez-nous de votre parcours.

J’ai vécu à l’étranger depuis l’âge de 18 ans et je suis revenue dans ma ville natale de Singapour quand j’avais la trentaine bien entamée. J’ai eu la chance de décider de passer quelques années à vivre et travailler dans des domaines différents (la finance et les arts – je suppose que j’aime utiliser à la fois mon cerveau gauche et mon cerveau droit) et dans différents pays (Dubai, New York, Londres, Australie), et entre-temps, j’en ai visité beaucoup d’autres. J’ai toujours eu une âme de philosophe, mais nous savons tous comment les leçons de la vie ne peuvent être vraiment comprises et vues qu’avec nos propres yeux. Ces années passées à l’étranger ont vraiment façonné ma perspective en tant qu’individu, et je suis reconnaissante que la prise de conscience suffisante m’ait permis de relier les points au fur et à mesure. Quand je suis revenue en Asie, j’ai réalisé à quel point je m’identifiais différemment à mes racines. Différemment parce que je les ai reconnues, mais avec une perspective nouvellement acquise – une perspective empreinte de compréhension et d’appréciation accrue.

Pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec le parfum ?

J’ai commencé à aimer les parfums de niche il y a vingt ans. Je les ai principalement découverts en Europe lors de mes voyages. J’ai trouvé tellement de boutiques de parfums de niche et j’ai commencé à les collectionner au fil des ans, affinant ainsi, pour ainsi dire, mon palais olfactif. C’est un peu comme l’art et le design – avec plus d’exposition et de points de comparaison, on commence à développer une compréhension des différentes nuances de qualité et de raffinement. Il en va de même pour la littérature – plus on lit, plus on commence à différencier l’unicité d’une voix et l’élégance de la prose. Et avec le temps et l’observation, on commence finalement à développer sa propre voix et son mode d’expression. Un jour, j’ai commencé à mélanger quelques compositions – et j’ai réalisé que je n’avais jamais senti quelque chose de semblable auparavant. C’est là que j’ai compris la capacité du parfum à traduire les émotions en odeur, et les souvenirs qu’il déclenche étaient quelque chose dans lequel je voulais plonger plus profondément.

Qu’est-ce qui vous a inspiré à devenir parfumeur ?

J’ai toujours eu une affinité pour trouver des plateformes qui me permettaient d’exprimer des points de réflexion significatifs. Le parfum était la plateforme idéale car il est devenu une partie importante de l’identité des gens et une grande source d’expression.

Je sentais que j’avais une base de données de sentiers olfactifs uniques que je ne trouvais pas sur le marché et que je sentais instinctivement que les gens apprécieraient. Je voulais que mes créations suscitent une présence, une singularité, une certaine élégance, quelque chose d’impertinemment unique et pertinent.

Je ne veux pas simplement vendre un produit ou une occasion ponctuelle de les utiliser. Je veux que ces parfums accompagnent la vie quotidienne – et donc je ne vends pas des produits, je vends des émotions et des histoires. Cela se présente sous la forme d’un magnifique parfum – et parce que ma marque est asiatique, les histoires sont racontées d’un point de vue différent, ce qui, je l’espère, en parlant à un public mondial, leur permettra d’interpréter l’Asie différemment en raison de la manière dont les parfums sont élaborés.

Pourquoi le nom Maison de L’Asie ?

Maison de l’Asie – Je voulais créer une maison de parfum qui offrirait une interprétation différente de ce magnifique continent et de sa beauté. Je voulais m’éloigner du stéréotype de ce qu’est l’Asie. Le progrès se fait à petits pas, où des liens se créent à travers les frontières de plus en plus floues de l’identité. La modernité consiste à rester pertinent en respectant les traditions uniques tout en s’opposant à un ordre officiel. De plus, le langage du marché d’aujourd’hui contraint chaque relation interpersonnelle dans le schéma de la préférence individuelle. L’équilibre consiste à répondre à ce qui est pertinent sans perdre de vue le respect de l’héritage.

En fin de compte, j’aime l’idée d’un cercle complet, revenant pour commencer à écrire mon histoire, car le début des histoires commence pour moi en tant qu’auteur à Singapour. Et c’était une histoire qui n’aurait pas pu être écrite si je n’avais pas quitté Singapour en premier lieu, même si les histoires que je veux raconter transcendent les frontières géographiques, même si elles se déroulent en Asie. Le chapitre 1 est la série d’ouverture, et parce que Singapour est l’endroit où sont mes racines, l’histoire de Maison de l’Asie commence ici.

Quelle est votre perspective sur la parfumerie en Asie, et à quel point considérez-vous la culture du parfum comme étant significative ?

Il y a eu une demande notable de fragrances plus neutres, moins genrées et plus légères sur le marché asiatique. Mais comme pour toutes les choses qui évoluent, les goûts olfactifs ont évolué pour accueillir une appréciation beaucoup plus large des nouvelles senteurs. Cela se manifeste par la multitude de nouvelles marques de parfums de niche qui entrent sur le marché en Asie et qui sont chaleureusement accueillies.

Au niveau mondial, le parfum est devenu une partie importante de la toilette personnelle, et nous commençons à voir les consommateurs dépenser davantage pour des fragrances nouvellement découvertes, car ils comprennent de mieux en mieux leur rôle pour se démarquer des autres, et à apprécier de plus en plus leur qualité.

Je vois un avenir très prometteur pour la parfumerie en Asie, avec de nombreuses marques supplémentaires entrant sur le marché et élevant l’expérience olfactive pour l’ensemble de la région. Je crois que nous verrons plus de discernement dans les choix des consommateurs, et une plus grande appréciation de la qualité des fragrances de niche et de leur processus de création.

L’Asie deviendra un marché redoutable pour le secteur des parfums de luxe, et je prévois également l’arrivée de plus d’acteurs de la région, en particulier de Chine. Maison de L’Asie est fière d’être l’une des premières à ouvrir la voie, et nous espérons continuer à marquer la présence de l’Asie sur le marché des parfums à l’échelle mondiale.

Vos collections peuvent être comparées à la littérature, chaque fragrance étant semblable à une histoire avec son propre chapitre. Comment avez-vous conçu ces chapitres ? L’ordre a-t-il de l’importance, et que symbolisent-ils ?

Ce qui rend Maison de L’Asie vraiment unique, c’est que nous lançons nos parfums sous forme d’histoires en chapitres. Chacun de nos chapitres met en lumière un pays spécifique en Asie, offrant ainsi une source d’inspiration unique pour la philosophie et les histoires qui se cachent derrière les chapitres. Les thèmes philosophiques et émotionnels sont universels et transcendent les frontières géographiques, ce sont les éléments essentiels de notre maison de parfum, et nous espérons ainsi offrir une plateforme pour des points de réflexion importants pour celui ou celle qui porte nos parfums. Les pays mis en avant fournissent le décor où les histoires sont racontées, mais le héros de l’histoire, c’est la personne qui porte le parfum – l’histoire lui appartient entièrement. Par conséquent, l’interprétation est globale et complètement différente pour chaque individu qui répondra aux thèmes de sa propre manière, car chacun apporte avec lui des expériences et des histoires différentes.

La séquence n’a pas vraiment d’importance – on peut plus facilement se sentir en phase avec un chapitre en fonction du thème philosophique qui lui parle. Pour ma part, j’ai essayé de le concevoir de manière à ce que cela représente le parcours que nous vivons tous dans la vie.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre processus créatif ? En général, combien de temps faut-il pour créer un parfum, et quels sont les facteurs qui influencent votre choix de matières premières ?

Chaque chapitre a son propre thème philosophique unique. La sélection de ce thème pour chaque pays a été soigneusement réfléchie pour garantir que nous capturions l’essence du pays qui l’inspire, tout en tissant un thème émotionnel que je considérais comme important pour une conversation subtile. Lorsque je crée, je suis inspirée par la musique, l’art et le cinéma, par mes observations, et je traduis tout cela en une fragrance.

Je pense que la plupart des gens classent immédiatement un parfum à haute concentration comme quelque chose d’exubérant et explosif dans son langage. Je tiens à contredire cette notion. La qualité de nos parfums réside dans la manière subtile dont ils se révèlent sur la peau au fil du temps, sans tomber dans le piège de notes linéaires et fades en fin de journée. Ils se projettent de manière discrète, semblable à une conversation lente, où plus vous passez de temps avec eux, plus vous comprenez l’histoire qu’ils racontent.

Le temps nécessaire pour développer un parfum peut varier. Si j’ai une idée très claire de l’image que je veux créer, cela peut prendre quelques semaines. Je commence toujours par l’émotion finale et l’image visuelle, puis je travaille en sens inverse à partir de là. Certains parfums prennent plus de temps, parfois des mois, voire une année. L’émotion finale doit être parfaite.

Nous travaillons avec certains des meilleurs acteurs de l’industrie pour obtenir les bonnes matières premières pour nos clients. Nos partenaires sont mondiaux et de renommée mondiale, ce qui nous permet de rechercher des matières premières spécialisées et les meilleures dans leur catégorie pour nos parfums.

De toutes vos créations, laquelle résonne le plus avec votre identité ? Et pourquoi ?

Honnêtement, elles reflètent toutes une partie de moi d’une manière ou d’une autre. Nous sommes tous des êtres aux multiples facettes, et si nous nous permettions de ressentir authentiquement, nous réaliserions toute la gamme de nos émotions. Et c’est là la merveille de l’humanité.

Bien sûr, je dis à tout le monde que celle que je porte le plus souvent de la collection est en réalité MOTHER X LOVE – parce que c’est pour moi la plus réconfortante et nostalgique, reflétant qui j’étais et qui je suis aujourd’hui. Je ressens qu’elle commence comme un parfum simple, mais comme la plupart des choses, lorsque vous permettez à la conversation de se développer, vous commencez à percevoir les nuances subtiles qui lui donnent tellement de caractère. En fait, c’est mon approche pour tous mes parfums.

Cela dit, il y a une autre fragrance qui, je pense, résonne le plus avec moi, et c’est l’une des fragrances du prochain Chapitre 04.

Quels émotions souhaitez-vous transmettre à travers vos parfums ?

J’ai eu la chance de vivre dans de nombreux endroits. Nous sommes le fruit de nos expériences et de nos histoires. Chaque chapitre de ma vie a ajouté des couches multidimensionnelles à ma perspective, et plus important encore, m’a montré qu’au fond, l’humanité est la même. Nous sommes motivés par les mêmes choses, nous aspirons aux mêmes choses. Ce qui diffère, c’est l’expression de tout cela – c’est la beauté de toutes nos différences.

Toutes ces expériences sont vraiment des plateformes pour l’inconscient – elles substituent à notre regard un monde plus en harmonie avec nos désirs. Et elles racontent toutes des histoires à leur manière, non pas tant pour nous dire comment penser, mais pour nous poser des questions à méditer.

C’est ce que j’espère qu’un porteur des parfums de Maison de L’Asie emportera avec lui.

Pouvez-vous nous en dire plus sur vos projets futurs ? Peut-on s’attendre à un nouveau chapitre prochainement ?

Nous avons actuellement 9 parfums sur le marché, avec trois nouveaux parfums qui seront bientôt lancés. Chaque lancement de chapitre comporte 3 parfums uniques.

Le Chapitre 1 est la série d’ouverture, et parce que Singapour est l’endroit où sont mes racines, l’histoire de Maison de l’Asie commence ici. C’est un chapitre sur la nostalgie et le retour à la maison, un thème auquel tout le monde peut se rapporter.

Le Chapitre 02 est inspiré par Bali, en Indonésie, et est basé sur le thème de la rêverie ; une réalisation que l’utopie recherchée par beaucoup n’est ni significative ni matérielle, mais que cet idéal peut être atteint en trouvant une paix introspective.

La troisième partie de l’histoire de la Maison de l’Asie se poursuit dans le Chapitre Trois, racontée à travers trois fragrances évocatrices qui capturent l’entropie dans la ville de Bangkok.

Notre quatrième chapitre est un projet sur lequel j’ai travaillé longtemps, et j’ai retardé son lancement parce que je voulais attendre que les histoires se déroulent d’une certaine manière. Je suis très enthousiaste à l’idée de ce dernier chapitre, car je pense qu’il est le plus luxuriant et romantique, de manière inattendue.

Nous sommes également ravis de lancer de nouveaux produits pour notre gamme, notamment une version de voyage de 15 ml de chaque parfum, ainsi qu’une collection Editions de Parfums basée sur le profil olfactif, en plus de nos coffrets de chapitres. Il y aura trois catégories principales pour cela : Edition Florale, Edition Fraîche, et Edition Ambre.

Vers la fin de l’année, nous lancerons également notre gamme lifestyle, en élargissant notre gamme de fragrances pour les pièces et en introduisant notre première gamme de bougies.”

Et pour le fun !

Questionnaire de Proust

Si vous étiez une fleur, laquelle seriez-vous ?

La Reine de la Fleur de Nuit (Night-blooming Cereus). Que puis-je dire, je suis introvertie et la compagnie me tue. Je plaisante – ce que je veux dire, c’est qu’apparemment, je ne me soucie que de paraître au mieux une fois par an.

Si vous étiez un repas ?

Une simple charcuterie avec des figues, du miel, et un bon verre de Bourgogne.

Si vous étiez une musique ?

Cinema Paradiso ou Gabriel’s Oboe, les deux d’Ennio Morricone.

Si vous étiez un lieu ?

Une cabane secrète surplombant l’océan Indien en Australie – j’ai visité cet endroit presque chaque année pendant 30 ans. C’est là que je me retrouve.

Si vous étiez un parfum ? 

Tous mes parfums combinés.

Elizabeth Liau